Les relations entre Google, les éditeurs de presse européens et le gouvernement Français sont particulièrement tendues en ce moment. La raison ? « Lex Google », un projet de loi de droit voisin qui forcerait Google à rémunérer les journaux dont il indexe les articles.
Explications :
Un mouvement général
À l’origine, mi-octobre, une note de la ministre de la culture Aurélie Flippeti, ainsi que de la ministre de l’économie numérique, Fleur Pellerin, indiquant leur soutien au Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN). Ces derniers réfléchissent depuis plus d’un mois (à l’instar de leur collègues Allemands) à l’instauration d’un droit voisin concernant l’indexation par Google des articles de presse dans son agrégateur de contenus Google Actualités, dans le but de protéger la propriété intellectuelle sur les contenus de presse. Concrètement, il s’agirait donc de taxer Google pour chaque lien vers un article de presse.
Le 29 octobre, une réunion est organisée entre le gouvernement (François Hollande et les ministres concernés) et Google, dont la présence du co-fondateur et ancien PDG, Éric Schmidt. Il est difficile de savoir ce qu’il s’y est dit, surtout que les sujets sont nombreux : fiscalité, données personnelles… Suite à cette rencontre, le gouvernement a donné à Google et à la presse deux mois pour trouver un accord, faute de quoi le projet de loi sera adopté.
Google ne payera pas
Cependant, la position de Google, qu’a réaffirmé Éric Schmidt, est clair : « Nous ne payerons pas pour des contenus que nous n’hébergeons pas ». En effet, Google ne fait que rediriger les internautes vers les sites, et à ce titre, il n’est absolument pas sujet à payer une taxe sur ces contenus. De plus le service incriminé ici, Google Actualités, ne possède aucune publicité, et ne permet donc pas à Google de se rémunérer directement.
Et il y a déjà eu des antécédents : l’an dernier, la Belgique a vu ses principaux médias de presse écrite être déréférencés suite à la création d’un projet de loi similaire. Trois jours plus tard, ils revenaient sur leur décision, suite à une perte de trafic considérable. Mais certains se passent de Google, c’est le cas de la presse Brésilienne, qui a décidé elle-même de ne plus être présent dans Google Actualités, pour protéger leurs journaux. Il minimise aussi ce manque à gagner, qui ne représenterait que 5% de leur trafic.
En France, la perte de visibilité pour les sites d’informations seraient colossales : jusqu’à 40% du trafic dépend de Google pour certains sites, pour d’autres c’est moins indispensable, comme pour Le Monde pour qui le trafic en provenance du moteur de recherche est de 5%. Ce projet est loin de faire l’unaminité parmis les éditeurs de presse. Notamment chez les Pure players, représentés par le Spiil (Syndicat de la presse indépendant d’information en ligne) qui ne publient que sur le web. Si cette loi est générale, ils auraient beaucoup à perdre, Google étant sollicité à 95% comme moteur de recherche en France. C’est aussi un paradoxe, puisque la plupart des journaux payent Google pour être mieux référencés…
Plusieurs enjeux
Depuis, la Presse s’organise. Récemment, ce sont les journaux Suisses qui ont rejoint le front commun que forme la presse d’Allemagne, de Belgique, de France et d’Italie. De son côté, le gouvernement semble abandonner le projet de loi qui obligerait à rémunérer les amateurs de l’information tels que les blogueurs. La piste d’un accord privé exclusif est privilégié. En attendant, le gouvernement a nommé un médiateur jeudi dernier, censé travailler sur un accord.
Cette affaire intervient dans un climat tendu pour Google en Europe : la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a donné 4 mois à Google pour que ses règles de confidentialité respectent la loi européenne. Dans le même temps, le Canard Enchaîné a dévoilé que l’administration fiscale Française réclamait plus de 1,7 milliard d’euros à Google, pour avoir déclaré des opérations commerciales depuis Dublin quant elles étaient effectuées à Paris. En effet, Google, Apple ou encore Amazon, utilisent de nombreuses combines pour payer le moins de taxes possibles : 1,6 % pour Google dans toute l’Europe, et 0,6 % pour Apple, alors même qu’ils sont taxés à 30% aux Etats Unis.
Ce regroupement de la Presse pourrait donc bien influencer Google pour une fois, même si ce dernier a bien moins à perdre que les éditeurs de presse, qui n’ont pour certains toujours pas pris le virage numérique. Il y a aussi une confrontation de culture entre l’entreprise américaine et la vision européenne, qui protège les clients et la création.
Affaires à suivre…
Originellement publié sur cultures numériques colibre